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Interview de Lamia Moussaoui : Piloter les projets par la Valeur, merci les OKR !
Amis Prométhéistes du projet, bonjour, bonsoir, soyez les bienvenus. Comment piloter ses projets avec les Objectives and Key Results, plus connus sous l’acronyme OKR ? C’est la question du jour que j’aurais le privilège de poser à Lamia Moussaoui, leader d’opinion sur le sujet et consultante chez onepoint, qui m’a fait le plaisir d’accepter cette invitation pour parler de ce sujet des OKR. Je vous propose donc un échange, une discussion informelle autour de ce sujet des OKR. C’est parti !
Tarik Cherkaoui : Lamia Moussaoui, bonjour.
Lamia Moussaoui : Bonjour Tarik.
Tarik Cherkaoui : Lamia, est-ce que tu pourrais te présenter davantage à la communauté des auditeurs de ce podcast ?
Lamia Moussaoui : Oui, bien sûr, Tarik. D’abord, merci de me recevoir.
Tarik Cherkaoui : Le plaisir est totalement partagé.
Lamia Moussaoui : Pour me présenter en quelques mots, je dirais que je suis ce que nous appelons un « slasheur » en management de projet puisque j’en fais dans plein de contextes : en conseil dans un cabinet de conseil qui s’appelle onepoint et sur lequel je vais revenir un petit peu, au PMI® où je suis présidente adjointe du Chapitre France et puis aussi certifiée PMP® il y a quelques années, mais on ne demande pas son âge à une dame 🙂 (rires) puis à SKEMA Business School qui est mon école de formation où j’enseigne différentes matières autour du management de projet et j’accompagne l’évolution des cursus de formation pour mieux « fitter » aux besoins du marché du travail.
Tarik Cherkaoui : D’accord. Si je comprends bien, tu interviens aussi bien dans le monde du conseil que dans le monde des écoles de commerce depuis plusieurs années.
Lamia Moussaoui : Exactement. Après c’est récent chez onepoint puisque je viens d’arriver il y a quelques semaines, mais j’ai passé 14 ans en conseil interne, en accompagnement de la transformation chez Société Générale où j’ai piloté un programme de pilotage par la valeur où les OKR ont été au cœur du dispositif. Nous allons en parler dans les prochaines minutes.
Tarik Cherkaoui : Tout à fait. Nous y venons dans une poignée de secondes, Lamia. Effectivement, je t’ai proposé cette invitation pour que nous parlions des OKR parce que c’est un sujet dont on parle de plus en plus, que ce soit dans le monde du PMI® en général ou de l’agilité en particulier, cf. le guide de l’Evidence-Based Management, le Management Basé sur les Faits qui a été publié récemment par la Scrum.org. L’efficacité des OKR et de cette méthode semble tellement séduisante que Google, LinkedIn, Samsung, Microsoft, et même la Fondation de Bill-et-Melinda-Gates l’ont adoptée. Alors Lamia, en quoi consistent ces OKR ? De quoi s’agit-il précisément ?
Lamia Moussaoui : D’abord, revenons aux fondamentaux. Quand j’ai commencé l’expérimentation pilote à la Société Générale en banque d’investissement pour ensuite la passer à l’échelle, quand je disais OKR, on me disait « O-K-quoi ? » (Rires) Les gens ne savaient pas forcément ce que c’était, surtout dans le monde européen. OKR, c’est pour « Objectives and Key Results », comme tu l’as dit, et donc c’est un framework de pilotage par les objectifs, mais également un outil d’alignement et d’engagement des équipes. Ce n’est pas nouveau. Google et tous les GAFA l’ont remis un peu au goût du jour parce qu’ils se pilotent avec. Toutefois, les prémisses datent de 1954 avec Peter Drucker, le MBO, le Management By Objectives. Et les entreprises ont repris ce framework parce, justement elles ont voulu gagner en ce que nous appelons agilité organisationnelle. Ce n’est même pas que de l’agilité pour le développement informatique, mais vraiment comment est-ce que je dote mon organisation d’une capacité, d’une meilleure manœuvrabilité, d’une capacité à prioriser, par la stratégie et par la valeur pour apporter le maximum de bénéfices à mon organisation. L’objectif, le ‘O’ de OKR, c’est vraiment où est-ce que j’ai envie d’aller. Il est donc important de bien clarifier la direction que nous avons envie de nous donner et où nous avons envie d’atterrir, pas seulement avoir une stratégie formulée sous forme de #digitalisation, #connectivité ou d’autres choses. Les Key Results sont les bénéfices de valeur qui vont permettre de savoir que je suis dans la bonne direction et que j’ai bien atteint la destination finale. Moi je dis toujours que ce framework devrait en vérité s’appeler OKRI parce qu’il y a un parent pauvre que nous oublions, c’est la partie « initiatives », donc les projets et les programmes qui ont absolument besoin d’être connectés à la stratégie pour nous assurer que nous sommes en train d’investir au bon endroit. Donc c’est vraiment une partie intégrante de ce framework de bien s’assurer que son allocation d’investissements va être en adéquation avec la stratégie et les ambitions que nous nous donnons.
Tarik Cherkaoui : D’accord. Si je comprends bien, les OKR consistent à valoriser les résultats mesurables des collaborateurs, ceux-ci n’étant mesurables qu’après s’être demandé ce que cherche à faire l’entreprise.
Lamia Moussaoui : Exactement, mais avec une petite subtilité, nous ne mettons pas en place des OKR au niveau de l’individu mais plutôt au niveau d’un collectif. C’est vraiment, comme tu le dis, la valeur qui va être apportée par la Delivery, ce que nous livrons dans nos projets, ce que nous appelons des Outputs. Je livre une plateforme plus intuitive pour mes Sales en tant qu’équipe IT, par exemple, et l’Outcome, la valeur qui va en découler, c’est l’augmentation du volume de ventes de mes Sales. Donc c’est vraiment aller au-delà de la simple Delivery. La Delivery est essentielle, elle est un prérequis, il ne faut pas arrêter de livrer ce que nous livrons dans les projets, mais il faut se poser la question de « est-ce que je livre vraiment de la valeur ? ». Cela permet aussi de faire la différence entre les moyens et les objectifs que nous cherchons à atteindre.
Tarik Cherkaoui : C’est vraiment intéressant que tu parles des moyens, des objectifs, du MBO de Peter Drucker parce que je crois que les organisations, les entreprises ont toujours été sensibles aux tendances, que ce soit pour engager leurs collaborateurs, que ce soit pour valoriser des initiatives comme tu le disais très justement. Pendant un temps, on parlait du management transversal, ensuite on parlait du management de proximité, puis du management intergénérationnel, puis interculturel. Bref, j’ai l’impression qu’il y a mille et une façons de piloter ou de manager des projets. Est-ce que les OKR ne sont pas le retour d’un management par la valeur ou d’un management par les objectifs ? D’ailleurs, nous parlons souvent de KPI (Key Performance Indicators) et d’OKR, tu parlais des distinctions entre des objectifs individuels et des objectifs collectifs, comment est-ce que nous pourrions différencier ou faire coïncider ces deux aspects ? Comment est-ce que nous allons nous assurer, en tant que leaders sur un projet, que les KPI des collaborateurs vont rejoindre les objectifs collectifs ?
Nous parlons souvent de KPI et d’OKR, quelles seraient les différences entre ces deux aspects ?
Lamia Moussaoui : Il y a beaucoup de choses dans ce que tu dis. Si nous les reprenons un à un, pourquoi un renouveau ? Je dirais que nous ne sommes plus dans des transformations longues avec des grands états stables. Comme j’ai beaucoup travaillé à la Société Générale où l’architecture d’entreprise est très présente, j’avais une phrase d’un architecte qui me disait « il n’y a plus de stabilité, il n’y a que des états stables intermédiaires ». Nous allons de transformations en transformations et cela s’accélère de plus en plus vite, notamment avec le digital et les nouvelles manières de travailler. Le covid a aussi été un catalyseur de nouveaux changements. Il est au goût du jour parce que pendant très longtemps, cela est ma conception et ma conviction, la stratégie est restée un peu un secret des dieux et pas forcément partagée auprès des équipes opérationnelles qui, elles, étaient dans l’exécution de cette stratégie.
Tarik Cherkaoui : Tout à fait.
« Il n’y a plus de stabilité,
il n’y a que des états stables intermédiaires »
Lamia Moussaoui : Elles sont dans une interprétation, alors que l’objectif doit être clair pour tout le monde. Si nous ne savons pas que nous voulons aller sur la lune, nous avons de très fortes chances de finir sur Jupiter. Là, si nous regardons par le hublot et que nous voyons Mars, « Houston, nous avons un problème ».
Tarik Cherkaoui : Et puis, on finit par devenir Jupitériens (rires).
Lamia Moussaoui : Oui c’est ça exactement, et pas Prométhéens (rires), pour le jeu de mots avec ton blog. (rires) Effectivement, c’est revenu au goût du jour parce qu’il a montré que c’est un outil de clarification de la stratégie qui remet du sens dans l’exécution par les collaborateurs, particulièrement quand tu le fais dans un projet ou dans un programme. C’est le premier point. Effectivement, il y a eu aussi un premier travers quand ce framework est revenu, c’est que nous avons eu tendance à nous dire « ce ne sont que des KPI rhabillés avec un nouveau petit nom ». Pas du tout. Si j’avais à le synthétiser, les KPI sont les indicateurs de bonne santé de ton organisation, tandis que les OKR sont les indicateurs de performance de l’exécution de ta stratégie. Nous avons besoin des deux. Ce n’est pas un pilotage double, mais un pilotage dual au sens où j’ai besoin de m’assurer que ma maison est en bonne santé, que les lumières fonctionnent, que les salaires sont payés etc., mais si je ne me transforme pas, je meurs. Je suis donc obligé d’aller de l’avant tout en maintenant le fonctionnement de mon organisation, ce que nous appelons le Business As Usual. C’est vraiment ce duo. D’ailleurs, dans une bonne implémentation OKR, nous devons aussi remettre en perspective ces KPI emblématiques pour nous dire à chaque fois comment j’existe sur les deux pans et comment les deux s’articulent intelligemment. Et « l’impact » lié à l’utilisation d’une démarche de pilotage par les OKR, c’est avoir une démarche d’investissement dans l’exercice budgétaire qui va nous dire « je vais aller mettre mes deniers au bon endroit, là où ils apportent le plus de valeur, et quand nous allons devoir faire des arbitrages entre un projet plutôt qu’un autre, nous allons avoir vraiment toute l’explication du « pourquoi » réallouer l’investissement sur cette initiative-là, comparée à une autre. Par exemple : Parce qu’elle apporte plus de valeur, parcequ’elle permet de créer un asset plus durable etc. Donc c’est vraiment des mécaniques d’arbitrage et de pivot qui vont être favorisées par ce framework. Plus individuellement, c’est tellement mieux de savoir que tu contribues à la stratégie de ton organisation d’une certaine manière et que tu es capable de le factualiser avec un certain nombre d’indicateurs. Donc toi, en tant que collaborateur, tu vas donc avoir un plan de développement professionnel sur lequel tu vas être objectivé, tu vas avoir des axes de développement comportementaux aussi, pas seulement opérationnels, et puis tu sauras dire « voilà, moi, comment j’ai apporté ma pierre à l’édifice ». J’avais échangé avec Google qui était venu faire une intervention quand j’étais chez Société Générale quand j’avais organisé un évènement avec mon équipe, et ils nous ont dit « c’est super parce que nous passons deux heures à la fin de l’année pour préparer l’année d’après et nous nous posons seulement une question : comment je vais apporter de la valeur à mon organisation ? » Et c’est ce qui va driver l’échange collaborateur/manager tout au long de l’année. Nous allons nous doter, bien sûr, d’éléments de mesure qui seront plutôt les KPI. Les OKR sont vraiment pour des organisations, pour des équipes. C’est ma conviction. Il y a eu des expérimentations sur le niveau individuel et beaucoup d’entreprises en sont revenues parce que le framework a été détourné pour d’autres usages, pour ne pas affecter les bonus, etc. Les plus grands coaches OKR, comme Christina Wodtke, disent : « si vous commencez à mettre des OKR sur les individus, c’est là que les problèmes vont commencer ». Il faut vraiment rester à la maille d’une équipe, aussi petite soit-elle. C’est valable pour de l’agilité parce que c’est très utilisé dans l’agile et dans l’agile à l’échelle. SAFe® a inclut les OKR dans la dernière version 5.0, ce qui n’était pas le cas dans la version précédente. C’est valable pour une association, nous le faisons au PMI® aussi, nous avons lancé notre démarche OKR avec Ricardo Naciff que tu as reçu, puis tout le conseil d’administration, mais c’est valable aussi au PMI® global. C’est valable pour des incubateurs comme « Numa » ou comme « Bpifrance » qui se pilotent aussi par les OKR. Cela fit donc à n’importe quel type d’organisations, de la grande corporation à une association en passant par des PME.
Tarik Cherkaoui : D’accord. Donc bien rester au niveau équipe ou au niveau organisation et éviter de tomber dans le piège des KPI sur le plan individuel. D’accord. Alors, Lamia, je t’entends beaucoup parler de valeur. D’ailleurs, le PMI® en a fait vraiment son nouveau fer de lance dans son dernier standard, le PMBOK® de la 7e édition. Le problème, c’est qu’il y a plusieurs économistes qui se sont penchés sur le sujet de la valeur et ils ont eu du mal à parvenir à un consensus. Il y a plus de 70 définitions différentes du mot clé « valeur ». Nous pouvons avoir une valeur sur un objet qui diffère en fonction de ses circonstances, c’est la théorie du diamant dans le désert d’Adam Smith. Nous pouvons avoir une valeur sur un objet qui diffère en fonction de la quantité de travail nécessaire à sa production, c’est la théorie du drap et du vin de David Ricardo. Nous pouvons avoir une valeur sur un objet qui diffère en fonction d’un ratio, le ratio satisfaction des parties prenantes divisée par les coûts, comment je peux générer un maximum de satisfaction auprès de mes parties prenantes sans que cela ne me coûte les yeux de la tête, sans que cela ne me coûte un bras, sans que cela ne me coûte un rein au passage, c’est la théorie d’analyse de la valeur popularisée par Lawrence D. Miles, etc. Le standard PMBOK® nous donne une définition un peu plus frugale de la valeur, je la donne pour les auditeurs. « La valeur, c’est l’intérêt, l’importance ou l’utilité d’un élément ». D’après toi, Lamia, à partir de quand pourrait-on dire qu’un projet a atteint cette utilité ? Où est-ce que tu placerais le curseur ? Est-ce que les OKR nous apportent des perspectives spécifiques ?
Il y a près de 70 définitions différentes du mot clé « valeur », mais à partir de quand pourrait-on dire qu’un projet a de la « valeur » ?
Lamia Moussaoui : Oui, tout à fait. C’est bien, tu as listé un peu toutes les ribambelles de définition. Ce qu’il faut avoir en tête, c’est que la valeur elle est quand même perceptuelle au sens où tu peux gonfler le ROI d’un projet ou d’un programme en vendant : « je vais faire tant de décommissionnement, mais derrière tu ne vas pas ensuite t’assurer que cela soit vraiment décommissionné, tu promets donc des économies de maintenance que tu n’es pas garanti d’assurer ». Moi j’utilise plutôt des clés de lecture, c’est-à-dire qu’il y a de la valeur financière directe, totalement imputable et que tu peux monnayer, de la valeur financière indirecte, c’est-à-dire si je fais ce projet, je vais économiser ça, je vais protéger mes parts de marché, etc. Et il y a de la valeur non financière : la satisfaction client, la qualité, le respect du règlementaire ou de la compliance qui est très présent dans le domaine bancaire et dans tous les secteurs d’activités très règlementées. En utilisant ce type de grilles de lecture, cet arbre de valeur, cela permet déjà d’avoir une appréciation au plus proche. Cela se fait dans des ateliers de travail avec toutes les parties prenantes et nous validons la création d’asset, donc d’actifs qui apportent de la valeur à l’organisation. Je crée une application qui va me permettre d’assurer une capacité de production industrielle pendant 10-20 ans. Ce sont des choses que nous valorisons. Ensuite, il y a la connexion, c’est bien l’utilité d’un élément, il faut qualifier cet élément. Pour moi, ce que nous avons essayé de faire dans le cadre de mon programme, c’est vraiment connecter la démarche avec tout le pilotage post-projet, donc avec les équipes de contrôle de gestion. Nous avons rarement vu, malheureusement, un financier aller demander à un chef de projet quatre ans plus tard « tu te rappelles, tu avais promis tant de millions de gains, quelles étaient les hypothèses que tu avais posées ? » etc. Nous avions posé une méthodologie très simple qui tenait en trois mots : « Define, Deliver, Assess ». L’Assess était vraiment clé et nous avons construit un pont avec les équipes finance et contrôle de gestion. Avant la banque d’investissement, j’avais passé quatre ans et demi en direction financière, donc j’avais aussi ce mindset-là. Cela a vraiment permis de se dire : « finalement, nous avions prévu tant de millions, nous sommes en écart de trois ». Nous avons vraiment cette capacité, si nous mettons en place le bon dispositif de pilotage, de suivre la valeur en end-to-end. Toutefois, cela demande une vraie discipline, une vraie structuration, une architecture de pilotage dans l’écosystème. Ce n’est pas forcément accessible pour tout le monde, il faut le vouloir en tant qu’organisation pour le faire. Là où les OKR amènent vraiment un plus, moi j’aime bien dire que dans un vrai pilotage par les OKR, l’indicateur vert pastèque n’existe pas. Vert pastèque, c’est vert à l’extérieur et rouge à l’intérieur, c’est-à-dire que tu présentes un indicateur qui est bon, ça y est, nous sommes contents, si tu ouvres le capot, tu as tout le monde qui est en train d’écluser l’eau à l’intérieur et qui hurle « ahhh ». Et, si on peut vraiment « assesser » la valeur, suivre, poser et documenter les hypothèses, il faut vraiment éviter ce genre d’enjolivage. Dans la finance et dans le pilotage, nous pouvons faire dire n’importe quoi à un chiffre.
Tarik Cherkaoui : 100% des gagnants du loto ont tenté leur chance.
Lamia Moussaoui : Exactement. Par contre, il n’y a que celui qui a gagné qui a bien les 100% de réussite. L’un des atouts, c’est que moi j’ai vu l’avant et l’après, c’est-à-dire que j’ai passé des réunions des comités où nous nous engueulions pendant une heure parce que nous n’avions pas les mêmes chiffres et nous sommes vraiment passés à : « ce n’est pas la bonne stratégie, il faut que nous changions d’orientation, nous avons une action de pivot à faire et qui est-ce qu’on engage dans cette action de correction de tir ? » Cela amène vraiment à ce que nous appelons un dialogue de performance qui est optimisé, qui porte vraiment sur le fond, sur le sens que nous apportons à la valeur de nos actions, et non pas sur : « je suis à tant de millions, je ne suis pas vraiment capable de le prouver, mais il faut que je décroche mon budget pour faire tourner les camions dans la cour pendant une année jusqu’au prochain exercice budgétaire ». Le secret c’est vraiment de connecter tous les systèmes, c’est-à-dire : les OKR (donc la stratégie), les initiatives (donc le portefeuille de projet) et l’exercice budgétaire associé, les business & value case de chaque initiative qui doivent être correctement faits, et une boucle itérative qui va permettre à chaque fois de réconcilier la valeur promise avec la valeur réalisée. Donc ça demande de vraiment construire un dispositif end-to-end. Beaucoup d’organisations le font et le font parfois très bien, d’autres sont à mi-chemin, et d’autres prennent certaines orientations qui ne sont pas les bonnes et qui vont déclencher un désengagement des équipes. Ça c’est un point important. Si nous adoptons le framework OKR, il est important de le faire pour les bonnes raisons et non pas seulement pour de l’affichage. Parce que si on ne réussit pas, c’est vraiment un coup à désengager les équipes.
Tarik Cherkaoui : Pour le coup, on va avaler des pastèques ! (Rires)
Lamia Moussaoui : Exactement. (Rires)
« Le secret c’est vraiment de connecter tous les systèmes, c’est-à-dire : les OKR (donc la stratégie), les initiatives (donc le portefeuille de projets), l’exercice budgétaire et les business & value case de chaque initiative […] pour réconcilier la valeur promise et la valeur réalisée. »
Tarik Cherkaoui : D’accord, très bien. Si je comprends bien, nous allons plus sur une logique d’objectif quantitatif où nous étions très centrés sur des plans de gestion des bénéfices de type ROI, IRR, NPV, ce genre d’indicateurs quantitatifs qui ont leur utilité, pour aller plus vers des objectifs qualitatifs qui vont aller regarder l’implication, la progression, ce genre de choses. C’est vraiment intéressant.
Lamia Moussaoui : C’est un mixte des deux. Comme tu dis, il faut garder des indicateurs financiers parce que nous en avons besoin pour piloter la rentabilité et la profitabilité d’une organisation, quelle qu’elle soit. Par contre, c’est un bon mixte entre du quanti et du quali. Dans le quali, des fois la valeur n’est pas forcément de gagner tant de millions d’euros, mais d’impulser un changement pratique dans l’organisation. Typiquement sur la RSE, sur l’ESG, si j’ai envie de sensibiliser toutes mes ressources, tous mes collaborateurs à l’importance de penser durable et ESG, eh bien je vais faire en sorte de les acculturer, de mettre en place des e-learnings, de leur faire faire des fresques du climat, leur faire comprendre les enjeux de ces nouvelles tendances. Ce sera déjà beaucoup de valeur. Donc c’est vraiment trouver le bon équilibre entre du « quanti. » et du « quali. » qui est la force de ce framework.
Tarik Cherkaoui : Tu dis « des fresques du climat », qu’est-ce que tu entends par là ?
Lamia Moussaoui : La fresque du climat est un atelier autour de la RSE qui est en train de déployer dans pas mal d’organisations et qui permet de faire toucher du doigt tous les enjeux du développement durable : des enjeux sociétaux, environnementaux ou collaborateurs. Beaucoup d’entreprises se mettent à l’animation de ces fresques. Chez Société Générale, nous en avons eu pas mal qui se sont déroulés. C’est quelque chose que nous mettons aussi en place dans les écoles. Sur SKEMA Business School, nous avons eu cela sur la semaine de l’environnement. Cela permet de faire shifter un petit peu la culture de l’organisation et de comprendre que nous ne faisons pas les choses que pour du financier, mais qu’il y a aussi des enjeux qui nous dépassent et sur lesquels nous pouvons fortement contribuer si nous adaptons nos manières de travailler.
Tarik Cherkaoui : Oui, donc également pour canaliser les efforts et structurer un petit peu les victoires à aller chercher.
Lamia Moussaoui : C’est cela.
Tarik Cherkaoui : C’est intéressant. Lamia, nous arrivons bientôt à la fin de ce podcast. Comme tu le sais, cette chaîne s’adresse aussi à celles et ceux qui souhaitent faire reconnaitre leur expérience professionnelle de chef de projet pour pouvoir obtenir cette prestigieuse certification PMP® du PMI®. Est-ce que tu aurais un conseil à donner aux candidats qui se préparent actuellement à cette certification, un conseil en termes de mindset, en termes d’état d’esprit ? Quelles seraient pour toi les bonnes pratiques à avoir pour se préparer au mieux ?
Un conseil à donner pour ceux qui préparent la certification PMP® prochainement ?
Lamia Moussaoui : Ce que je pourrais dire pour ceux qui sont préparationnaires à la certification, c’est qu’il faut qu’ils la préparent et qu’ils la passent pour eux-mêmes d’abord. Nous ne la passons pas pour quelqu’un d’autre que soi-même. Oui, c’est un facteur d’employabilité. Chez Société Générale, il fut un temps, je me rappelle, si nous étions certifiés PMI® ou pas, nous avions accès à des directions de programme un petit peu plus complexes parce que nous savions que c’était un gage de qualité. Donc il faut absolument avoir cela en tête et le faire pour soi. Le faire sans se presser, cela prend un temps de préparation, beaucoup la préparent en parallèle du boulot, c’est plusieurs mois de weekends et de soirées qui sont pris. Je pense qu’il ne sert à rien de se mettre la pression de se dire « je fixe une date » etc. C’est vraiment bien la préparer, il y a des formations ; toi-même tu formes, il me semble.
Tarik Cherkaoui : Comme je dis, la préparation pour cette certification n’est pas un sprint, c’est plus une course de fond. Il faut plus la voir comme cela.
Lamia Moussaoui : Exactement. Je suis tout à fait d’accord, ayant fait de l’athlétisme en compétition aussi, c’est vraiment une course de fond. Nous allons aussi vivre cette préparation avec notre propre vécu. Par contre, je dirais juste une chose, un dernier conseil, c’est qu’il faut vraiment la préparer avec les bouquins d’aide comme le Rita’s Book ou des choses comme ça, non pas avec son vécu d’entreprise. Nous sommes biaisés si nous essayons de répondre aux questions avec notre propre expérience, pour l’avoir vécu dans les tests blancs, il était assez rigolo de voir les résultats parce que chacun le vivait avec sa propre vie de chef de projet.
Tarik Cherkaoui : Il faut comprendre un petit peu les doctrines de prise de décision qui sont des doctrines généralistes et internationales. Il est vrai que nous avons également tendance à raisonner à l’échelle nationale, voire à l’échelle d’une entreprise.
Lamia Moussaoui : C’est cela, et avec son vécu. Après, il y a la PMP® (pour en savoir plus, cliquez-ici) mais il faut savoir que le PMI® a aussi plein d’autres certifications, donc il faut aussi s’ouvrir le champ des possibles pour en passer d’autres. Il y en a autour du risque, il y en a autour de la business analyse, il y en a autour de l’agile ACP, etc. Ce sont également des choses qu’il faut considérer. La PMP® est la plus connue, la plus reconnue, celle qui a le plus grand nombre de certifiés dans le monde, certes, mais le PMI® offre tout un panel de certifications. Je pense qu’un jour, nous aurons certainement une certification OKR. Je l’espère du moins. C’est ce à quoi je vais travailler chez onepoint dans les prochains mois.
Tarik Cherkaoui : Tu l’as bien amené.
Lamia Moussaoui : Nous verrons. Tu parlais d’Evidence-Based Management, c’est une autre certification qui est faite par Scrum.org, qui mêle les OKR mais qui amène aussi tout le management de l’expérience, la culture d’une organisation, sa capacité à innover. Je pense qu’il est intéressant, même pour un préparationnaire, de savoir ce qui existe sur le marché et ce qui peut amener les axes de développement futurs. Je trouve que notre métier, notre profession est magnifique, elle est en constante évolution. Nous ne sommes pas sur un métier qui ne change pas comme d’autres qui vont rester quand même assez stables et pérennes. Nous pouvons réinventer chaque jour notre poste. Je pense qu’une fois que nous sommes PMP® certifiés, nous avons un regard différent sur notre professionnalisation et notre plan de développement. Il faut rester à l’écoute, aller chercher potentiellement d’autres certifications, pas pour en passer une par an mais vraiment de se dire « dans cinq ans, dans trois ans, j’en repasserai une autre pour me remettre aux standards du marché et aux évolutions de notre profession ».
Tarik Cherkaoui : Oui. Être en perpétuelle veille et investir sur soi est l’un des meilleurs cadeaux que nous puissions nous faire à nous-mêmes.
Lamia Moussaoui : C’est cela, parce que nous apprenons tous les jours.
Tarik Cherkaoui : Nous arrivons vraiment à la toute fin de ce podcast. Pour conclure cette émission, j’ai toujours pour coutume de laisser la main à l’invité. Est-ce qu’il y a une autre question que tu aurais aimé que je te pose ou vraiment un message important que tu souhaiterais faire passer par rapport à ce sujet des OKR ?
Le mot de la fin
Lamia Moussaoui : Oui, bien sûr. Il y a une question qui est souvent posée et j’aimerais partager ma conviction, c’est : comment se lance-t-on et comment est-ce qu’on adopte la démarche OKR pour son organisation ? D’abord, il faut le vouloir, cela doit venir d’une impulsion managériale et non pas seulement un truc pour cocher une case. Il faut y mettre le sens et prendre le temps, il ne faut pas faire vite en disant « ce n’est pas grave, je fais vite, même si ce n’est pas parfait, j’arrangerai après ». C’est bien quand nous ne sommes pas pressés. De le faire pour les bonnes raisons et vraiment de construire un vrai dispositif de pilotage par les OKR pour l’instancier dans son organisation, dans sa gouvernance et sa comitologie. L’importance de l’acculturation et du change management sur ce genre de démarches, sinon cela ne marche pas, cela retombe comme un soufflé, ce qui est un facteur de déception et de frustration pour les équipes. C’est mon conseil au marché. C’est ce que nous sommes en train de construire chez onepoint pour accompagner nos clients, en tant qu’architectes de la transformation, main dans la main avec eux et de leur donner les bons accélérateurs pour y arriver correctement, mais vraiment faire en sorte que ce soit une volonté et que ce soit une réalité de pilotage et non pas seulement une case à cocher.
Tarik Cherkaoui : Oui. Il est vraiment intéressant que tu parles de l’acculturation. Effectivement, j’ai en tête une phrase de consultant que nous employons beaucoup : « La culture d’entreprise mange la stratégie au petit déjeuner ! »
Lamia Moussaoui : Oui, c’est de Peter Drucker ! 🙂
Tarik Cherkaoui : Et en plus, c’est de Peter Drucker, comme ça la boucle est donc bouclée. Merci beaucoup, Lamia.
Lamia Moussaoui : Merci Tarik.
Tarik Cherkaoui : Je te remercie énormément d’avoir accepté cette invitation et d’avoir partagé avec nous un moment autour des OKR. C’était un réel plaisir, vraiment un régal d’échanger avec toi.
Lamia Moussaoui : De même.
Tarik Cherkaoui : C’était vraiment super, merci beaucoup. Merci mesdames et messieurs les Prométhéistes du projet d’avoir pris le temps d’écouter ce podcast jusqu’à la fin. Si vous l’avez apprécié, n’hésitez pas à nous le dire en commentaire, je passerai le message à Lamia au plus vite, et à mettre un petit pouce vers le haut si c’est le cas. Je vous dis à très bientôt. Merci encore, Lamia. Merci à tous.
Lamia Moussaoui : Merci.
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Bonjour,
Merci pour cette interview et cette échange plein d’informations sur le métier de chef de projet et pour la présentation de cette méthode de pilotage par les OKR.
C’était très plaisant.
Continuez comme ça !
Un grand merci à vous pour vos encouragements Fabrice !